Hommage à Michel Klein
"Michel nous a quitté, ce sont tellement de souvenirs qui reviennent en mémoire, mais c’est surtout la tristesse de l’absence qui aujourd’hui domine.
Ma première rencontre avec Michel date de 1968, elle fut suivie de nombreuses autres en particulier au sein d’associations de protection animale, dans notre engagement pour les chiens-guides d’aveugles, mais aussi dans la clinique de Beaugrenelle. Ces moments de partage et d’échanges reviennent à ma mémoire comme des instants privilégiés un peu hors de la précipitation du vécu journalier. C’est peut-être là le secret de Michel Klein, le secret de sa jeunesse : savoir donner sa passion en partage, l’offrir en sachant que quelqu’un en captera la force pour vivre une nouvelle aventure. J’ai vécu plusieurs fois en direct cette transmission, en particulier au cours d’une soirée avec des étudiants à l’ENVT en 2007. Elles et ils avaient choisi « véto » car Michel les avait fait rêver à l’âge où l’on se cherche une vocation. Pendant plus de 4 heures Michel a continué de les faire rêver en leur faisant partager sa passion pour la médecine vétérinaire. Il m’arrive de rencontrer ces anciens étudiants devenus maintenant des femmes et des hommes établis dans les divers métiers qu’offre les études vétos, toutes et tous me parlent de cette soirée et de l’importance qu’elle a eu pour éclairer leur façon d’appréhender leur vie de vétérinaires. Merci Michel d’avoir continué si longtemps à apporter du rêve et un regard éclairé sur le monde du vivant qui a marqué tellement de jeunes.
Merci aussi Michel d’avoir accepté en 2020 de faire le voyage de Toulouse pour participer, à la suite de l’invitation de Georges Méric, Président du Conseil Départemental de la Haute-Garonne, à l’inauguration du Musée départemental de la Résistance & de la Déportation. Dans une salle où plus une seule place n’était disponible, tu nous as fait vivre cette époque où, étudiant à l’école vétérinaire, tu avais rejoint le réseau PRUNUS. J’étais dans la salle, l’émotion était palpable, lorsque tu as raconté les arrestations du 12 et 15 avril 1943 et comment tu as échappé de peu à l'arrestation au sein de l'École.
À nouveau le partage, cette volonté de donner pour éclairer et rendre service à l’autre.
Et puis il y a eu l’an passé ton anniversaire ce merveilleux moment avec tes amis, ton bonheur avec Marie-Christine a éclairé cette merveilleuse journée.
Michel, tu ne seras pas vraiment absent, le souvenir de tous ces moments reste bien vivant.
J’adresse à toute la famille de Michel et tout particulièrement à son épouse Marie-Christine mes très sincères condoléances."
Pierre Desnoyers, directeur de l'ENVT de 2002 à 2005
Michel Klein à l'ENVT, entouré par Pierre Desnoyers et Roland Darré, et devant la maquette de l'Ecole de Matabiau, lors de sa venue à Toulouse en 2022
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Michel Klein est décédé le 19 octobre 2024, à l'âge de 103 ans
Retour sur un parcours unique aux multiples facettes
C'est un des vétérinaires les plus connus qui vient de disparaître et pourtant les innombrables hommages publiés de toute part peinent souvent à rendre compte des différentes facettes d'un parcours qui restera certainement sans équivalent.
Etudiant et résistant de la première heure
En 2020, il avait été reçu avec beaucoup d'émotion à l'ENVT, notamment par Roland Darré et Pierre Desnoyers. Ce fut l'occasion de rappeler que dès son arrivée de sa Roumanie natale, pour apprendre la médecine vétérinaire sur le campus de Matabiau à partir de 1941, Michel Klein s'engageait à 20 ans au sein du réseau Prunus. Sous l'égide du SOE (Special Operation Executive) britannique, Prunus regroupait une poignée de résistants autour du directeur de l'école Marcel Petit et de son secrétaire général, Paul Dupin. En 1943, alors que le réseau est dénoncé, Michel Klein échappe de justesse à l'arrestation ; provoquant la chance pour aider Petit et Dupin, arrêtés le 13 avril au matin dans l’enceinte de l’ENVT, il revient à l’école le lendemain pour subtiliser et détruire, avant que la Gestapo ne les trouve, les armes que le réseau entreposait dans les greniers. Vivant une vie de clandestinité, il apprend à la Libération la déportation et le décès de ses parents et de sa sœur à Auschwitz.
Il finit ses études à Alfort dans l'immédiat après-guerre, débute brièvement comme vétérinaire équin dans l'Orne puis s'engage de 1949 à 1952 au sein de l'International Refugee Organisation, dépendant de la toute jeune ONU, pour s'occuper de personnes déplacées. C'est à cette période qu'il découvre la faune sauvage, notamment africaine.
Vétérinaire pionnier de la "canine"
De retour en France, il exerce la médecine et la chirurgie des animaux de compagnie à Paris, fondant en 1957 son propre cabinet, boulevard des Batignolles. Il est déjà pionnier car il contribue à créer le premier service de garde en 1960. Vingt ans plus tard, alors qu'il a presque 60 ans, il ouvrira dans le quinzième arrondissement, une clinique établie sur 700 mètres carrés disposant d'un plateau technique de haut niveau, très en avance pour l'époque. En 1984, à 63 ans, retour à Toulouse pour Michel Klein qui obtient son Certificat d’Etudes Spécialisées (CES) d'ophtalmologie !
Vétérinaire des animaux sauvages
Au-delà de soigner les chiens et les chats, il s'intéresse assez vite aux animaux sauvages, notamment en captivité. Ami de Jean Richard, il soigne ses animaux au zoo d'Ermenonville. Il participe à la création du parc animalier de Thoiry, premier exemple d'un nouveau type de zoo permettant d'observer les animaux dans un cadre proche de leur milieu naturel. Il sera également associé à la création du zoo de Fréjus. Michel Klein sera ensuite à l'origine de nombreuses "premières" comme l'utilisation de bulle stérile en chirurgie (en l'occurrence pour la stérilisation d'une femelle zèbre à Thoiry) ou l'échographie sur un tigron (également à Thoiry). Ce sont ces "premières" qui le conduiront à une très importante célébrité médiatique.
Le vétérinaire de la télévision et écrivain
Dès 1958, il opère les canines d'une guenon devant les caméras de l'ORTF ! Il collabore ensuite avec beaucoup de grands noms de la télé et du cinéma, comme Jean Nohain, Frédéric Rossif, François de La Grange, abordant aussi bien la faune sauvage que les animaux domestiques. A partir des années 1970, il collabore très activement à 30 millions d'amis et à de nombreuses émissions destinées à la jeunesse comme Les Mercredis de la Jeunesse, puis Récré A2 dans les années 80 et le Club Dorothée dans les années 90. En 1976 Michel Klein est l’invité de Bernard Pivot pour l’émission de télévision Apostrophes, il présente son livre « Ces bêtes qui m’ont fait homme », le succès est immense, le livre est en tête des ventes en librairie. De nombreuses générations de vétérinaires lui doivent leur vocation.
Acteur et organisateur de la place de l'animal dans la société
Michel Klein mettra sa notoriété médiatique au service de plusieurs causes animales majeures. Vice-Président de la SPA dès 1960 et jusqu'en 1978, à l'origine de la reconstruction du refuge de Gennevilliers dans des installations très modernes à leur inauguration en 1973 (ce refuge, le plus célèbre de France, est en cours de déménagement, 50 ans plus tard), il est élu au comité directeur de la Société Centrale Canine en 1982, premier vétérinaire à siéger dans cette organisation créée un siècle plus tôt. Michel Klein crée au sein de la SCC la commission des tares oculaires en 1984 (juste après avoir obtenu son CES d'ophtalmologie à l'ENVT).
Dès 1970, il propose au gouvernement, Jacques Chaban-Delmas est alors premier ministre, l'identification des chiens par tatouage. Ce dispositif sera rendu obligatoire en 1999. Michel Klein est à l'origine de la création de l'école des chiens guides d'aveugles de Paris en 1982, avec le soutien du maire de l'époque, Jacques Chirac, futur premier ministre; il la présidera pendant plus de 20 ans. C'est un troisième premier ministre, Edouard Balladur, qui lui remettra en 1994 les insignes de Chevalier de la Légion d'Honneur au titre de son action dans la Résistance.
C'est donc un très grand vétérinaire qui vient de disparaître. Juif né en Roumanie, venu se former à Toulouse, entré en résistance juste après son arrivée, échappant de peu aux griffes de la Gestapo, seul rescapé de toute sa famille, Michel Klein a sans doute puisé dans cette jeunesse tragique et héroïque, l'énergie incomparable qui fut la sienne, pour construire un parcours qui défie l'entendement par sa richesse, au point qu'il est impossible de prétendre en rendre compte sans rien oublier (quatre livres publiés, de nombreuses collaborations scientifiques de premier plan…).
Pour en savoir plus sur la vie de Michel Klein, lire la page Wikipédia rédigée par le Professeur Roland Darré, cliquer ICI
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